Elbrouz

20 août au 25 août 2009

Jour du sommet : 24 août 2009

Cap sur la montagne

Me voilà attablé devant un copieux repas, dans l’hôtel d’un village de ski niché au pied du mont Elbroz. Je suis arrivé hier soir, après un marathon harassant dans cinq avions et autant d’aéroports bondés. Ma conjointe Lyne m’accompagne. Encore une fois, elle a accepté de faire partie de mon aventure ! Elle sillonnera avec moi les flancs de la plus haute montagne d’Europe ! Dans le joyeux brouhaha du restaurant, j’entends de l’italien, de l’espagnol, de l’anglais, du russe et d’autres langues que je ne parviens pas à identifier. La saison d’ascension bat son plein. Chaque année, plusieurs mil-liers de grimpeurs se lancent à l’assaut de l’Elbrouz, sur-tout à la fin de l’été. Lyne et moi ne serons pas les seuls à nous mettre en route vers le sommet ! Nous avons déjà fait connaissance avec des guides et quelques alpinistes qui tenteront l’ascension en même temps que nous : un couple de la Californie, un groupe d’Italie et un autre de Lituanie. Le lendemain, nous quittons l’hôtel en compagnie de notre guide, Yuri. Le temps est venu de faire notre pre-mière randonnée d’acclimatation. Nous marchons les sept kilomètres qui nous séparent de la station de ski Cheget, où nous prenons le téléphérique. Nous montons jusqu’à quelque 3 000 mètres d’altitude et nous nous promenons quelques heures dans un paysage rocheux et enneigé par endroits. À cette hauteur, nous avons une vue imprenable sur l’Elbrouz. Bientôt, nous serons en route vers le sommet !

Après une autre nuit à l’hôtel, nous empruntons de nou-veau le téléphérique. Cette fois, nous ne reviendrons pas à l’hôtel avant la fin de l’expédition. Quand nous posons le pied à 3 700 mètres d’altitude, j’explore les alentours, surpris. Je n’ai jamais vu un camp de base si particulier ! Les ordures industrielles jonchent les environs. Les alpi-nistes ne dorment pas dans des tentes, mais plutôt dans des longs barils peints aux couleurs du drapeau russe. Le refuge des Barils porte bien son nom.

Jours 1 et 2 – Au camp de base

Nous prenons deux jours de repos avant le départ officiel. Les guides en profitent pour nous faire pratiquer les tech-niques d’utilisation du piolet et du cramponnage. Elles nous seront indispensables pendant l’ascension. Je suis content de constater que le groupe se débrouille bien. Nous faisons une petite randonnée pour grimper à 4 600 mètres. L’acclimatation est une étape particuliè-rement importante de cette expédition, puisque nous n’avons pas pu nous adapter au changement d’altitude en faisant une marche d’approche. C’est l’un des incon-vénients du téléphérique. Par contre, nous ne sommes pas fatigués car nous n’avons pas dû marcher longtemps. Nous redescendons ensuite au refuge des Barils pour y passer la nuit. Je croise les doigts pour que la tempéra-ture nous permette de faire l’ascension le lendemain. Sur cette montagne, des tempêtes peuvent survenir même au cours de l’été.

En me promenant aux alentours, je suis frappé par la saleté qui règne sur la montagne. Même s’il existe un parc national sur l’Elbrouz depuis plusieurs années, les déchets des employés et des grimpeurs sont partout et gâchent le charme du paysage. Pourtant, ce n’est pas si compliqué de ramasser ses déchets. Les alpinistes le font sur de nombreuses autres montagnes ! Même dans le monde du plein air, beaucoup de conscientisation envi-ronnementale reste à faire. Pour ma part, je n’éprouve pas une grande satisfaction à explorer un site superbe en le polluant sur mon passage !

Jour 3 – Jour du sommet

C’est la nuit du grand départ. Nous tenterons d’atteindre le sommet dans une seule montée d’une douzaine d’heures. Nous nous levons à l’aube et nous habillons chaudement. Quand je quitte la tiédeur de mon refuge, je constate que le ciel est très clair. Nous aurons droit à la température idéale ! Lyne et moi sommes confiants. La pente est abrupte, mais l’ascension est plutôt facile techniquement. Nous grim-pons en nous aidant de nos bâtons de marche. Nos cram-pons agrippent la pente glacée. Notre progression est très lente. Nous montons tous en groupe, sans nous presser. Après quelques heures, le soleil plombe et se réfléchit sur la neige immaculée. Nous finissons par avoir chaud. Nous retirons des vêtements, mais nous les remettons à peine quelques dizaines de mètres plus loin. Le vent se lève. Alors que nous grimpons une longue pente de neige, un accident se produit sous nos yeux. Un alpiniste d’un autre groupe que le nôtre fait une fausse manœuvre et déboule plusieurs centaines de mètres ! Tout d’un coup, l’ascension nous paraît plus risquée. Notre guide décide de s’armer de précautions. Nous nous encordons tous ensemble et nous poursuivons la montée prudemment.

À l’approche du sommet, nous nous détachons pour terminer les derniers mètres, moins risqués. Lyne et moi complétons l’ascension sans problème. Quelle joie d’at-teindre le sommet ensemble ! Nous contemplons longue-ment le paysage de neige et de roche du Caucase. Les membres du groupe nous rejoignent chacun leur tour. Nos cris de joie fusent sur le plus haut sommet d’Europe. Lorsque nous entamons le retour vers le refuge des Barils, je me rends vite compte que la descente sera coriace ! Le trajet s’éternise et est très difficile pour les jambes. Peu à peu, le groupe se morcelle. Chacun descend à son rythme. Lyne et moi nous retrouvons seuls. Pendant une grande partie de la descente, nous pataugeons dans une neige fondante qui nous fait penser à de la soupe. Nous arrivons au refuge complètement exténués.

Retour au bercail
Dès le lendemain, nous retournons à l’hôtel. Avant de repartir chacun de notre côté, nous terminons l’aven-ture avec une fête bien arrosée de vodka. Après tous nos efforts, nous sommes contents de célébrer notre victoire entre nouveaux amis ! Sur le chemin du retour, Lyne et moi faisons un détour pour visiter les somptueuses villes de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Maintenant que l’adrénaline est retombée, je réalise que j’ai atteint le sixième de mes sept sommets, un défi que j’ai entrepris il y a à peine deux ans. Comme le temps a passé vite ! Bientôt, je partirai déjà pour mon ultime sommet.